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ENERGIE- Le gisement de gaz du Corrib suscite des controverses depuis dix ans

By: 
Marie Villacèque - lepetitjournal

Les habitants du comté de Mayo se battent contre la construction d’un pipeline de gaz menée par l’entreprise Shell. De nombreux risques humains et environnementaux sont au cœur des contestations. Lorna Siggings, journaliste à l’Irish Times, a choisi d’évoquer le conflit qui dure depuis maintenant dix ans dans son livre Once upon a time in the West

shell corrib gaz(photo Shell/Corrib Gas Project)

Le projet d’exploitation de gaz du Corrib, vieux de dix ans, ne fait pas que des heureux. Pourtant, assure-t-on, il devrait créer des milliers d’emplois et injecter près de 180 millions d’euros dans l’économie locale de Mayo. Mais la population locale ne l’entend pas de cette oreille et fait campagne contre le Corrib Gas Project. La compagnie anglo-néerlandaise Shell a pourtant clairement laissé entendre qu’elle irait jusqu’au bout de sa mission.
Après qu’un gisement de gaz a été découvert dans l’Atlantique en 1996, trois entreprises partenaires – dont Shell – ont été autorisées à l’exploiter à partir d’octobre 2000. Ces réserves – exploitables dans un premier temps pour le gaz, et ensuite pour du pétrole - sont estimées à quelques 30 millions de m3. Le projet prévoit une installation d’extraction et d’acheminement de gaz sur une étendue de 80 km, vers une raffinerie située à Bellanaboy. C’est à cet endroit-là que le gaz sera traité.

Des conditions à haut risque (photo Shell to sea/2010)
"Les habitants du comté se sont inquiétés, dès le début du projet, des éventuels risques auxquels ils seraient exposés", explique Lorna Siggings dans son livre sorti le 5 octobre dernier. La population locale met en effet en avant les risques sanitaires et sécuritaires qu’elle encoure en vivant à proximité du futur pipeline. Un expert en gazoducs, Nigel Wright, a expliqué que ceux-ci seraient soumis à "des pressions extrêmement élevées" de 144 bars, soit presque le double de la norme en vigueur en Irlande. Il a également mis en avant les possibles négligences de Shell concernant la corrosion, les défauts de construction et l’instabilité du gazoduc dans les zones de tourbières.
Après avoir reconnu l’absence de sécurité du site, la compagnie Shell a voulu mettre en place un plan d’évacuation pour les habitants. En 30 secondes, il leur faudrait courir 2,5 mètres par seconde pour éviter d’être brûlé vif en cas de rupture du gazoduc. Ce qui semble peu réalisable vu la difficulté de parcourir en si peu de temps une telle distance dans des tourbières…

Les actions locales deviennent impuissantes
Lorna Siggings explique comment, en 2005, l’emprisonnement de cinq personnes du village de Rossport qui avaient empêché Shell de pénétrer sur leurs terres, a mis le feu aux poudres. A partir de 2006, la presse a commencé à traiter le sujet de façon négative, en montrant notamment des opposants se battre avec la police. Tandis que les contestations ont pris une dimension nationale, des centaines de personnes ont été arrêtées, dont Maura Harrington, porte-parole de l’association Shell to Sea, l’un des opposants les plus importants au chantier.

(photo Shell to sea/2010)

Les habitants ont proposé le site isolé de Glinsk - à l’ouest de Galway - pour accueillir le projet de Shell. Mais la compagnie s'est contentée de suggérer que le pipeline passe par Dooncarton, au nord de Bellanaboy. Les habitants du comté se sont efforcés "d’aider l’entreprise Shell à rendre plus sûr le projet mais toutes leurs offres d’assistance ont été rejetées", a souligné un intervenant de réunions entre communautés locales et experts scientifiques.
Aujourd’hui la population locale ne se fait plus d’illusions. Elle devra peut-être finir par céder devant ce projet déjà entamé à près de 80% et dont les intérêts économiques sont de trop grands enjeux pour que l’Etat irlandais y renonce. Le gaz pourrait en effet couvrir jusqu’à 60% des besoins de la population irlandaise, alors que de nos jours, 90% sont directement importés du Royaume-Uni. Et toute l’exploitation devrait rapporter plus de 420 milliards d’euros. Début 2010, Shell a suspendu les travaux pour un an pour "apaiser les tensions".

Marie Villacèque (lepetitjournal.com/Dublin) Lundi 15 novembre 2010

Voir le site de l’association Shell to Sea
Voir le site de l’entreprise Shell

"Once Upon A Time In The West", Lorna Siggins, éditions Transworld Ireland